Méthodes scientifiques – la mesure de degré reposait sur l’astronomie et sur la triangulation
Les tâches de l’expédition étaient formées de deux parties. Ils devaient mesurer par des méthodes astronomiques la différence de latitude entre deux points sur la même méridien. De plus, il fallait former une chaîne de triangulation entre ces points, afin de pouvoir calculer la distance entre les points.
L’expédition commença son travail en créant un réseau de triangulation entre Tornio et Pello.
Ils avaient déjà à l’avance que la distance entre les localités correspondait à environ un degré, et qu’elles étaient grosso modo situées sur la même ligne dans l’axe nord-sud, c’est à dire sur le même arc méridien.
Une fois la triangulation réalisée, l’expédition effectua les mesures astronomique aux extrémités de la chaîne afin d’éclaircir la différence précise de latitude entre les points.
La triangulation était une méthode d’arpentage conventionnelle
La triangulation a été développée aux Pays-Bas au 16e s. Á l’aube du 18e siècle, c’était une méthode de travail établie parmi les arpenteurs et les cartographes.
Le principe de la triangulation est simple. Lorsque l’on connaît la longueur d’un côté d’une chaîne de triangle – la ligne de base –, il est possible de calculer le reste en mesurant les angles entre les côtés.
Le quadrant était utilisé comme instrument pour mesurer les angles. Le quadrant permettait aussi de prendre en considération la différence de hauteur entre les points de mesure.
Au départ, le plan de l’expédition était de former une chaîne de triangulation sur les îles du littoral de la baie de Botnie. Mais dés le début de l’expédition, ces îles se sont avérées être trop peu élevées pour cela.
Anders Celsius a suggéré d’attendre l’hiver pour mesurer un degré d’une longueur d’environ 110 kilomètres sur la glace de la baie de Botnie, sans réseau de triangulation. Les connaissances des locaux sur les conditions de gel ont incité l’expédition à refuser cette proposition.
Il songèrent aussi à défricher une ligne de visée dans la forêt prés du littoral, mais ceci a paru impossible à réaliser.
Maupertuis était parti se renseigner dans les environs du fleuve du Torne pour constater que les monts environnants pouvaient convenir comme points de mesure du réseau de triangulation.
Le Maître d’école et aumônier Johan Wegelius sut dire à l’expédition que Tornio et Pello étaient situées relativement précisément sur le même arc méridien, soit sur en longitude. Cette donnée a eu un impact sur le choix de l’aire de mesure.
De plus, le fleuve du Torne était une bonne voie de communication pour aller d’un point de mesure à l’autre. Elle offrait également un bon support uniforme pour mesurer la ligne de base.
Des mesures d’angle d’un point de visée à l’autre
Les signaux du réseau de triangulation furent érigés en forme de cône à partir de gros troncs en bois décortiqués.
Les cônes clairs se distinguaient bien à des dizaines de kilomètres à la ronde. La visibilité d’un point de mesure à l’autre était assurée en abattant beaucoup d’arbres au sommet des monts.
Les emplacements précis des signaux étaient marqués en gravant des traces sur les rochers ou en enfonçant des pilotis sans le sol. De plus, la distance du milieu de la marque était mesurée par rapport aux arbres et rochers se trouvant à proximité. Toutes ces données étaient minutieusement inscrites dans un journal d’observation.
Aussi, les mesures d’angle à proprement parler étaient réalisées avec soin. L’observateur orientait l’instrument de mesure, le quadrant, vers le point de visée du mont voisin et informait le résultat d’observation approximative au scribe. Les résultats de calcul étaient également notés avec précision dans le livre d’observation. Les mesures étaient réalisées à répétition pour éviter des erreurs.
Outre leurs propres servants, les académiciens avaient aussi l’aide d’une vingtaine de soldats locaux de la compagnie de Tornio du régiment du Västerbotten.
Leur aide était précieuse afin que les membres de l’expédition puissent ériger les points de visée et dégager la vue d’un mont à l’autre en abattant des arbres. De plus, les soldats connaissaient la région et étaient capables de se déplacer dans le forêt sans trop se perdre.
La mesure de la ligne de base faisait partie intégrante de la triangulation
La triangulation repose sur le fait qu’une ligne du réseau de mesure est mesurée physiquement sur le terrain. Lorsque l’on connaît la longueur d’un côté d’une chaîne de triangle, il est possible de calculer le reste en mesurant les angles entre les côtés.
Mesurée sur le terrain, le côté de l’angle est appelé la ligne de base.
Alexis Clairaut et Charles Camus ont planifié l’emplacement de la ligne de base en août. Les mesures sur la glace du fleuve du Torne ont été faites en décembre pendant une bonne semaine. Les gelées étaient fortes, et il y avait beaucoup de neige sur le fleuve.
L’extrémité septentrionale de la ligne de base se trouvait un peu plus au nord de l’embouchure de la rivière Tengeliönjoki, sur la rive est du Torne. L’extrémité méridionale se trouvait 14 km plus au sud côté ouest du Torne, à l’embouchure de la rivière Armasjoki, dans le village de Niemis.
Le prêtre en formation d’Ylitornio Erik Brunnius le jeune (1706–1783) avait fait préparer pour l’expédition huit poteaux en bois de sapin en ligne droite et des pilotis de support pour ceux-ci. Les Français ont eux-mêmes finalisé les mesures comme étant de taille correcte.
La longueur d’un poteau de bois était de cinq toises. La toise était l’unité de mesure française utilisée à l’époque qui correspond actuellement à 1,949 mètres.
Les poteaux étaient donc d’environ 10 mètres de long. Ils étaient mesurées à l’aide d’une mesure de toise en fer importée de France.
La mesure était conservée dans une pièce dont la température était stabilisée pour correspondre à une température printanière. On visait ainsi à éliminer les effets de la température froide sur la longueur – la mesure en fer se raccourcissait sous les gelées.
En mesurant avec des poteaux de 9,745 mètres une ligne de base d’environ 14,4 kilomètres, il a fallu placer les poteaux les uns derrière les autres 1 478 fois.
La mesure de la ligne de base devait être réalisée le plus précisément possible. Une petite erreur répétée dans les calculs de la chaîne de triangulation deviendrait une grosse erreur. Pour cette raison, la ligne de base fut mesurée par deux groupes. Ces résultats de mesure divergeaient de 4 pouces soit de moins de 11 centimètres.
La mesure de degré permet de déterminer la forme de la Terre
La latitude indique l’emplacement dans l’axe nord-sud sur les différents méridiens. Á l’équateur le degré est zéro, et au pôle nord et sud 90. Le degré du lieu X signifie donc l’angle entre le milieu de la Terre vers l’équateur et les rayons orientés vers le lieu X.
Le degré fut déterminé à l’aide des étoiles.
À Pello et Tornio, on mesura la hauteur de la même étoile par rapport au point le plus élevé dans le ciel : le zénith. L’étoile choisie fut celle la plus proche du zénith, soit l’étoile près du point culminant du ciel nocturne. La mesure de l’étoile située plus prés de l’horizon aurait été moins précise en raison de la réfraction de la lumière.
Comme étoile fixe, l’expédition a choisi l’étoile delta (δ) de la conseillation du Dragon. En comparant les résultats de mesure des différents endroits, on a réussi à obtenir la différence de degré entre les sites.
Si la Terre avait été totalement ronde, l’arc méridien d’une longueur d’un degré aurait été de la même longueur sur chaque méridien.
L’expédition de Maupertuis connaissait la longueur de l’arc méridien d’un degré mesurée dans le nord de la France, 57 060 toises. Elle avait été mesurée par les astronomes et arpenteurs Jean Picard (1620–1682) et Jacques Cassini (1677–1756).
Si la longueur de degré mesurée au pôle serait plus longue ou plus courte, ceci prouverait que la Terre n’est pas parfaitement ronde comme une sphère, mais soit allongé ou bien aplatie aux pôles.
Si la Terre était rétrécie aux pôles, la longueur d’un degré serait plus courte aux abords des pôles. Et si elle était aplatie – comme nous savons à présent qu’elle l’est – l’arc d’un degré serait plus long en se déplaçant en direction des pôles.
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